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" LE PANDA VOUS PARLE "
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21 février 2007

Notre gouvernement fait planer de nouvelles menaces sur la liberté d’expression et Internet...

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Publié en ma qualité de rédacteur d’Agoravox avec l’accord de ce dernier. Il faut que le 5ème pouvoir prenne son essor.

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Quitterie Delmas

quitteriedelmas

28 ans, membre de l’UDF, le parti libre.
Je me lève tous les matins pour participer à l’émergence de la génération 18-40 ans, pour renouveler enfin le personnel politique français, faire évoluer les pratiques politiques, dépasser les clivages partisans pour avancer, notamment pour le développement durable, l’économie sociale et solidaire, les leviers pour lutter contre le chômage et l’exclusion. Depuis septembre 2006, j’ai le plaisir de partager mes expériences, projets, actions et idées au travers de mon blog: Des jeunes libres de s’engager

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Dans l’espace de quelques jours viennent de paraître trois nouveaux textes qui pourraient porter gravement atteinte au journalisme citoyen et à la liberté d’expression sur Internet. Sous couvert de nobles combats pour fiabiliser l’information sur Internet, prévenir la délinquance et protéger l’enfance, le gouvernement semble vouloir mettre en place des nouvelles lois aux conséquences potentiellement liberticides... Tout ceci naturellement dans cette période de forte confusion pré-électorale... Suite à un billet que j’ai écrit hier sur le blog de la présidentielle de 20 Minutes, j’ai eu envie d’aller un peu plus loin dans ma réflexion. Voici l’état d’avancement de ma compréhension de trois dossiers parus quasi simultanément :

•Rapport Tessier sur la presse numérique demandé par le ministre Renaud Donnedieu de Vabres (19 février 2007)
•Projet de loi sur la prévention de la délinquance (13 février 2007)
•Projet de décret pour la création d’une commission de déontologie d’Internet (31 janvier 2007)
Les projets ayant une portée assez vaste, je n’ai pas tout de suite fait le lien entre les trois. Après avoir commencé à rentrer un peu dans les détails, je crains que derrière une noble façade (mais aussi des combats très importants et justes) se cachent des graves dérives potentielles notamment au niveau de la liberté d’expression.
J’ai commencé à essayer de décortiquer un peu les informations pour tenter d’y voir un peu plus clair et d’imaginer les dérives potentielles pour chacun de ces textes.
1) Au sujet du rapport « La presse au défi du numérique » de Marc Tessier demandé par le ministre renaud Donnedieu de Vabres (remis le 19 février 2007)

Objectif initial

Analyser la presse à l’heure du numérique.

Dérives potentielles

Selon les souhaits maintes fois exprimés par le ministre RDDV, le rapport évoque la mise en place d’un label de qualité que l’on pourrait attribuer aux sites d’information respectant certaines règles, notamment déontologiques, définies par les pouvoir publics eux-mêmes afin d’avoir des aides financières ou fiscales (TVA réduite, création d’un statut spécial pour le journaliste citoyen avec des exonérations...). En gros, l’Etat souhaite exercer un contrôle sur les médias citoyens exactement comme il fait avec la presse via par exemple la Commission paritaire qui décide à qui donner ou enlever ses aides directes ou indirectes (beaucoup de revues font faillite quand cette commission décide de faire passer leur TVA sur les affranchissements de 2.10% à 19.6% par exemple). AgoraVox est directement cité d’ailleurs dans ce rapport demandé par le ministre de la culture..

Ce que j’en pense

C’est pour moi, très difficile à ce stade d’avoir une opinion tranchée. J’ai néanmoins retrouvé quelques citations de Renaud Donnedieu de Vabres, faites avant la publication du rapport, et qui permettent de bien le resituer dans son contexte... Pour notre ministre de la culture, le projet de loi DADVSI (à l’époque bien combattu par Bayrou), « n’est que le premier d’une longue série d’adaptations de notre droit à l’ère numérique et je compte bien, par exemple, m’attaquer un jour au problème de la presse et de l’Internet. C’est un autre sujet capital parce qu’il n’y aura pas d’informations de qualité sur l’Internet sans de vraies signatures, de vrais acteurs dont c’est le métier. L’Internet est une grande chance, mais je ne veux pas l’idéaliser et sans un cadre clair, beaucoup de ces chances pourraient être gâchées », (Libération mars 2006). Même Loïc Le Meur avait été très choqué par de tels propos liberticides...
Par ailleurs, quand RDDV fut invité le lundi 10 avril 2006 sur la chaîne I>Télé, il a déclaré : "Vous savez très bien que aujourd’hui sur Internet circulent beaucoup de choses, parfois le pire comme le meilleur, ce qui veut dire que paradoxalement redevient essentielle la certification, c’est-à-dire la signature par un journaliste parce que ça garantit l’authenticité. Donc je crois, si vous voulez, qu’Internet est une grande chance, mais ça suppose aussi qu’il y ait des règles du jeu et des principes de déontologie" (la vidéo d’I>Télé est accessible ici ainsi qu’un petit lapsus assez révélateur au sujet de la censure...). En tant que citoyenne, mais aussi en tant qu’acteur politique, j’ai tendance à m’inquiéter des conséquences des conclusions du rapport Tessier, envisageant, entre autres la mise en place de ce label décerné par un organe public avec tous les avantages économique qui vont avec. Quelles règles du jeu seront fixées, par qui, dans quelles conditions sera t’il attribué, dans quelles conditions sera t’il retiré ? Quand on voit les conditions d’attributions ou de suppression des numéros de commissions paritaires, on peut craindre le pire....
Les pontes des grands médias ainsi que les politiques s’inquiètent de la grande transparence, de la puissance et de l’impossibilité de contrôler internet. Cette tentative de contrôle les ringardise d’ailleurs. Et pourtant, ils ne devraient pas craindre cette évolution, voire cette révolution de la diffusion de l’information et de son pluralisme. Si les journalistes sont talentueux, et un grand nombre le sont vraiment, le public sera au rendez-vous. Il existe des rédactions et des médias qui l’ont compris et qui évoluent intelligemment. A eux de faire les efforts nécessaires pour donner un écho à leurs journalistes sur la Toile. De quoi ont-ils peur ? Du journalisme citoyen, qui se développe à grande vitesse ? Et si cet espace était une fenêtre pour découvrir de nouveaux talents, de nouvelles plumes, du travail coopératif ? Et si ça marche sans gros moyens ? Et si la vérité sortait des sites, forums, blogs ? Et si c’était à nous de décoder entre mille témoignages sur un événement ? Dans mon précédent article que j’ai écris suite à la conférence Web 3, à laquelle furent invité tant Sarkozy que Bayrou, j’ai essayé de montrer un exemple très concret des verrous qui sautent grâce à Internet.
Enfin, comme le souligne fort justement NetPolitique au sujet du rapport Tessier, "on peut d’emblée regretter que son auteur n’ait auditionné (cf. page 70) personne issu de près ou de loin de la blogosphère française ou des médias citoyens, qu’il cite pourtant à de nombreuses reprises"....

Pour aller plus loin

•Le rapport du Ministère
•Rapport Tessier : vers une reconnaissance du journalisme citoyen ? (NetPolitique)
•Bientôt un label de qualité pour les sites web d’information ? (Zdnet)
•Donnedieu de Vabres veut-il étouffer le journalisme citoyen ? (LMC)
•Le gouvernement dévoile un projet de censure des blogs ? (AgoraVox)
•RDDV prépare une mission sur le numérique et la presse (AgoraVox)
2) Au sujet du projet de loi sur la prévention de la délinquance (13 février 2007)

Objectif initial

Texte relatif à la prévention de la délinquance (réprimer le happy slapping).

Dérives potentielles

Le simple citoyen qui filme des évènements violents (une manifestations violente) et décide d’en informer les citoyens par une diffusion sur Internet (sur AgoraVox par exemple), pourrait être théoriquement poursuivi. Il en est de même, par exemple, pour celui qui voudrait enrichir un article de l’encyclopédie Wikipédia par des images ou des vidéos. L’amendement criminaliserait donc aussi le diffuseur de la vidéo.... Comme le précise justement l’excellent site Ratiatum, « est-ce vraiment pertinent quand certaines utilisations de YouTube avaient justement permis au diffuseur, si ce n’est d’aider à résoudre le crime, de mettre au moins la lumière sur un acte préjudiciable » ?

Ce que j’en pense

Ce texte relatif à la prévention de la délinquance veut condamner les auteurs ou les diffuseurs des happy slapping. Si bien évidemment, je condamne tout acte de violence, filmé ou non, en quoi l’inhumanité des délinquants qui les réalisent est pire que la bêtise des guerres que nous voyons tous les jours sur nos petits écrans ? Toute chose égale par ailleurs, les premiers devraient être condamnés pour leurs actes d’atteinte à la personne, coups et blessures par la justice française, les seconds par les tribunaux internationaux. C’est loin d’être le cas mais c’est là un autre débat...
Les politiques ont tort de vouloir verrouiller le 5ème pouvoir. Non seulement par ce qu’Internet est un espace de liberté mondial. Les pauvres petites règles du jeu imposées par le haut ne s’appliqueraient qu’en France ? Sont-ils au courant qu’il n’y a plus de frontières avec Internet ? Que les tentatives de verrouillage sont dignes des pays les plus totalitaires ? Je me battrai pour sauvegarder cet espace de la liberté d’expression. Aux dangers de ce qui circule sur le net, je préfère faire confiance à notre bon sens, à notre éducation, à notre éthique. Si des chartes éthiques doivent apparaître, je souhaite qu’elles soient le fruit de travaux citoyens et non pas d’obscures commissions.
Je ne suis évidemment pas la seule à m’inquiéter. L’enclyclopédia Wikipédia, via l’association Wikimédia France, vient d’adresser un courrier aux membres de la Commission mixte paritaire, à des présidents de groupes parlementaires, ainsi qu’à d’autres députés.
Dans ce courrier, la Wikipedia exprime la crainte que ces dispositions permettent en réalité d’interdire d’autres activités que le happy slapping :

« Ces clauses ont malheureusement une portée bien plus large que la simple répression du "happy slapping". Le simple citoyen qui filmerait des évènements violents (manifestations qui dégénère, par exemple) et voudrait informer ses concitoyens par une diffusion en ligne, pourrait être poursuivi. Il en est de même, par exemple, pour celui qui voudrait enrichir l’article Wikipédia sur ces évènements par des images ou une vidéo. Il nous semble cependant important que tout citoyen, qu’il soit au non professionnel de l’information, puisse participer au débat démocratique et à l’information de ses concitoyens, y compris en leur diffusant des documents audiovisuels sur des évènements violents. C’est un problème tant de liberté d’expression que d’égalité des citoyens devant la loi. »

Pour aller plus loin

•Le texte de loi •Wikimedia France s’inquiète du projet de loi sur la diffusion d’images sur Internet

3) Au sujet d’un projet de décret pour la création d’une commission de déontologie d’Internet (31 janvier 2007)

Objectif initial

Texte relatif à la protection de l’enfance. Projet visant à créer une commission de déontologie du net censée labelliser les acteurs de la société de l’information (hébergeurs de sites et de blogs, fournisseurs d’accès Internet, aux opérateurs de téléphonie mobile...)

Dérives potentielles

Selon l’APRIL, pionnière du logiciel libre, « à l’approche des élections, sous couvert de protection de l’enfance, un projet de décret du gouvernement étonne en détronant la co-régulation au profit d’une commission administrative verrouillée aux pouvoirs extensibles. » L’APRIL attaque un projet qui « montre une volonté de reprise en main par l’État de la régulation de l’internet compte tenu notamment de la présence massive au sein de la nouvelle commission des représentants des pouvoirs publics dans cette commission, et du fait que les 14 personnalités qualifiées y siégeant sont désignées exclusivement par arrêté du Premier ministre, pour cinq ans, transformant donc ces nominations en choix politique, et encore plus si elles ont lieu à proximité d’élections nationales. »
De son côté, l’association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire) « dénonce cette nouvelle tentative d’atteinte aux libertés fondamentales, en particulier à l’exercice de la liberté d’expression publique en ligne. Il s’agit toujours de réglementer et contraindre l’expression publique utilisant les réseaux électroniques, au mépris des libertés fondamentales, en échappant chaque fois un peu plus aux règles de la démocratie et de l’État de droit. »
Enfin, Reporters sans frontières « considère que ce texte, qui ne devait initialement porter que sur la protection de l’enfance, donne des compétences trop larges, et surtout mal définies, à cette commission. »

Ce que j’en pense

Là aussi c’est assez compliqué de faire la part des choses entre des choix légitimes et des dérives potentielles très fortes. Néanmoins, j’ai tendance à partager l’opinion assez tranchée de Pierre Jean Duvivier : « La réalité est que le domaine de labellisation ira très certainement au-delà de la stricte protection de l’enfance, en fait instrumentalisée. On peut considérer ce projet comme un cheval de Troie qui pourrait permettre d’imposer d’autres labels, comme le label presse souhaité par le ministre de la Culture, permettant d’imposer une censure de fait par un double mécanisme : en premier lieu il s’agirait de discréditer certains sites d’information au yeux des internautes en ne leur accordant pas le label, et en second lieu, de museler les responsables de ces sites en les menaçant de ne pas leur accorder, ou de leur retirer, ce label. Ce mécanisme pourrait très rapidement toucher les plates-formes de blogs. »

Pour aller plus loin •Projet de commission de déontologie du net : L’APRIL dénonce “un gigantesque retour en arrière”

•IRIS dénonce à son tour le projet de commission de déontologie du net
•Reporters sans frontières réagit au projet de Commission de déontologie du net
•Le gouvernement s’apprête à créer une commission de déontologie pour Internet

En conclusion, il s’agit-là de thématiques très importantes, voire même cruciales pour l’avenir d’Internet, des blogs, du journalisme citoyen et tout simplement pour notre avenir. Je suis donc heureuse de voir que ce sujet sera approfondi et débattu, entre autres avec Guillaume Champeau, lors des Premières Rencontres du Journalisme Citoyen et du Cinquième Pouvoir qu’AgoraVox organise le 24 mars en région parisienne (voir également l’article du jour de Carlo Revelli). Nous pourrons donc continuer à discuter même au delà de cet article en faisant finalement connaissance tous ensemble...
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